mercredi 4 octobre 2017

Marché du travail : Google va-t-il se substituer à Pôle Emploi ?




Le site Internet de Pôle Emploi ne constitue déjà plus la seule ressource des personnes qui cherchent un travail. Mais demain, Google pourrait jouer un rôle incontournable. En imposant un langage commun aux acteurs de ce secteur



Apres la recherche sur Internet, la mobi­lité, avec ses Google Car, ou encore la santé, Google s'attaquerait-il au marché du travail ? Avec ses nouveaux projets, le géant américain de l'Internet pour­rait remettre en cause le rôle central, déjà très contesté, de l'opérateur public, Pôle Emploi, dans l'organisation de ce marché si particulier, sur Internet. Telle est la conclusion de l'étude « Google et le marché numérique du travail » édité dans "Connaissance de /'emploi" (nu­méro 136), publiée par le CEET, Centre d'Etudes de l'Emploi et du Travail, en mai dernier.

A la  base,  rappelle  l'étude,  Google,  comme  principale  porte  d'entrée  sur  le  Web,  a  déjà  indirectement  contribué  à  structurer  le  mar­ché
du travail en ligne. En effet, ses algorithmes de classement et son programme d'achat de mots clés déterminent le référencement des sites d'emploi qui aqreqent les offres, comme lndeed.fr ou Regionsjob. com. Depuis le début des années 2000, ces sites jouent le rôle de moteurs de recherche de l'emploi: ils indexent les annonces publiées sur le Web, offrant aux candidats la possibilité d'effectuer leurs recherches depuis un point unique. Mais la situation quasi mono­polistique de Google leur impose de s'adapter aux algorithmes de classement du moteur de recherche, sous peine de disparaître des radars des internautes ... Déjà, la multiplication de ces sites Internet a bouleversé la mission de Póle Emploi, qui, depuis 2013, met en oeuvre un dispositif d'agrégation des offres d'emploi de diverses provenances. Toutefois, pour l'instant, la tâche des agrégateurs, privés ou publics, se heurte a une difficulté majeure : l'absence d'un langage partagé pour décrire les offres. Concrètement, il n'existe pas de lexique commun pour décrire les emplois ou les compétences. Et Póle Emploi ne parvient pas a imposer le sien, le code Rome, nomenclature des métiers et compétences.

Parlez-vous Google?

C'est précisément cet obstacle que s'emploie a lever Google. Sa nouvelle application, dévoilée fin 2016, propose un langage commun aux acteurs de la recherche d'emploi. Le dispositif fait actuellement l'objet d'un test fermé auprès de grandes entreprises et d'acteurs du marché numérique du travail. L'idée : créer une sorte de dictionnaire comportant 250 000 intitulés d'emplois et 50 000 catégories décrivant des compétences. A titre de comparaison, le code Rome de Pôle emploi compte 11 000 intitulés d'emplois. Lesquels devraient se retrouver dans le dictionnaire Google, qui vise a englober !'ensemble des nomenclatures déjà réalisées par les autres ac­teurs, publics et privés.

Paradoxe, « alors même que sa construction s'appuie sur des données publiques, le dispositif du moteur de recherche relève d'un modèle propriétaire et il n'est pas envisagé, pour le moment, de le rendre open source ", relèvent les chercheurs du CEET.
Par ailleurs, si Google a abandonné un projet de site Internet d'offres d'emploi classique, l'entreprise est en train de tester un autre service, qui propose aux entreprises des fonctionnalités de gestion de leurs recrutements en ligne. Bref, c'est bien une stratégie globale que semble viser le géant de !'Internet. Et si elle aboutit, son initiative de créer une langue commune pourrait bousculer l'activité des multi­diffuseurs d'offres d'emploi, qui permettent aux recruteurs d'envoyer leurs annonces vers différents sites d'emploi depuis une interface unique, ainsi que celle des sites Internet qui agrègent les offres d'emploi.

Mais au-delá, « c'est le rôle de l'action publique dans la régulation et la mise en forme des marchés numé­riques du travail qui est interrogé. Un outil de coordination. accessible a tous et facilitant la circulation de l'information, peut en effet être considéré comme un bien public. En France, le Rome  de Pole emploi pourrait remplir ce rôle. Disponible depuis 2075 en open data, il n'a pas fait l'objet d'une adoption mas­sive, mais il est désormais possible pour Google, ou tout autre acteur, de l'intégrer a un méta-investisse­ment de forme destiné à élaborer une 'lingua franca' commune aux marchés du travail francophones. Pour autant, s'il s'agit d'un équipement d’intérêt général, la construction d'un te/ outil et sa mise a disposition des acteurs pourrait relever des missions du service publíc de l'emploi », plaide le CEET.

Conclusion de l'étude, si le fait que Rome soit disponible en open data va dans ce sens, pour aller au bout du processus, il serait nécessaire d'élargir ce dispositif pour le rendre universel, en y intégrant d'autres référentiels, ou en offrant aux autres ac­teurs la possibilité d'y contribuer directement via, l'ouverture régulée de droits en écriture. Cette évolution ou Google ... •

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